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XAVIER DUVAL

5ème Dan Nihon Jujutsu, Renshi - 4ème Dan Nihon Tai Jitsu 
Renshi, Aunkai et rédacteur en chef de Yashima 
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Crédit photo: JoKeung

Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je m'appelle Xavier Duval et je pratique les arts martiaux depuis 20 ans maintenant, plus précisément le Nihon Tai Jitsu et l'Aunkai que j'enseigne à Hong Kong où je vis depuis maintenant 10 ans.

En parallèle de l'enseignement et de la pratique j'écris sur les arts martiaux via mon blog et les revues Dragon Spécial Aikido et Yashima.

Racontez-nous vos débuts dans le monde des arts martiaux.

Comment êtes-vous arrivé à la pratique des arts martiaux ? Par quel art ? Maître ? Dojo ?

 

Si on exclue le Judo dans mon enfance, j'ai vraiment débuté les arts martiaux en 1998 par le Nihon Tai Jitsu.

C'était à Saint Germain en Laye dans les Yvelines sous la direction de Max Lormeteau et Thierry Durand. J'ai débuté le Nihon Tai Jitsu un peu par hasard en fait. Je cherchais une pratique martiale ou un sport de combat pour apprendre à me défendre et très honnêtement je n'y connaissais rien. Je regardais plutôt du côté de la boxe française et c'est au forum des associations de la ville que j'ai découvert le Nihon Tai Jitsu. J'ai bien accroché avec la personne qui tenait le stand, je suis allé voir un cours et j'ai tout de suite été sous le charme.

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Qu'est ce qui vous a plu ? Ce qui vous a fait aimer les arts martiaux ? Ce qui vous a poussé et continue à vous pousser à continuer ?

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Quand je me suis rendu au dojo pour voir un cours, il y avait un groupe d'étudiants, tous ceinture bleue, en train de faire un randori. Ils se projetaient dans tous les sens, j'ai trouvé ça incroyable. J'ai tout de suite su que je voulais savoir faire ça et je me suis inscrit immédiatement.

 

J'ai toujours ressenti quelque chose pour les arts martiaux. Je n'y connaissais rien mais j'étais attiré par les films et probablement une sorte de mythe d'invincibilité liée à la ceinture noire, des raisons idiotes mais qui m'ont certainement poussé à passer la porte d'un dojo en ce mois de septembre 1998. J'ai ensuite aimé la diversité des pratiques, le fait que ça soit un travail sans fin. J'ai pratiqué énormément d'activités physiques auparavant et je n'ai jamais tenu plus que quelques années parce que je finissais par m'y ennuyer. Ça n'a jamais été le cas avec les arts martiaux.

 

Aujourd'hui ma recherche et mes envies sont bien sûr très différentes de ce qu'elles pouvaient être à l'époque et tant mieux. Je ne me pose plus vraiment de questions sur ma capacité à me défendre, je vis de toute façon dans une ville particulièrement sûre, mais le travail sur la façon d'utiliser le corps, que ça soit pour les arts martiaux ou la vie quotidienne est devenu une véritable passion, voire une obsession.

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Crédit photo: Aiki-Kohai

Pourquoi, en plus de votre pratique du Nihon Tai Jitsu depuis de nombreuses années, avoir choisi de pratiquer l'Aunkai en plus ?

 

De l'extérieur ça peut sembler bizarre, mais c'est beaucoup plus clair quand on regarde mon parcours.

A cause de déménagements fréquents, je n'ai pratiqué que 5 ans dans un Dojo de Nihon Tai Jitsu et les 5 années qui ont suivi j'ai continué en me déplaçant en stages le plus souvent possible, tout en pratiquant des disciplines « proches ». Quand je suis arrivé à Hong Kong en 2008, j'étais 2e Dan mais ma pratique était très superficielle. Je connaissais beaucoup de techniques mais il me manquait quelque chose, sans que je sache vraiment ce que c'était. Les 2 premières années, j'ai continué à pratiquer différentes choses et je m'entrainais régulièrement avec un ami pratiquant de Judo-jujutsu parce que nous avions un « langage commun ».

 

Un jour, ce même ami m'a parlé d'Aunkai et d'Akuzawa Minoru Sensei dont il avait entendu parler via le forum Kwoon. Je ne le connaissais pas mais je suis plutôt curieux de nature donc je suis entré en contact avec un de ses élèves à Tokyo et nous nous sommes rendus dans son dojo pour un week-end de pratique intensive.

 

Je peux dire aujourd'hui qu'Aunkai a changé ma vie.

Je n'ai pas immédiatement réalisé l'abysse qui séparait Akuzawa Sensei des maitres que j'avais rencontrés jusqu'à présent, mais au fur et à mesure j'ai découvert une pratique simple en apparence et d'une richesse exceptionnelle. Aunkai est une pratique austère, qui repose sur la construction d'un corps martial avec des exercices à pratiquer en solo au quotidien, mais paradoxalement ça correspondait exactement à mes besoins : je pouvais m'entrainer seul et le fait d'être isolé à Hong Kong n'était plus un problème. De plus la pratique d'Aunkai ne reposant pas sur l'enseignement technique mais sur une meilleure compréhension de son corps, je ne me suis pas retrouvé en décalage avec deux pratiques opposées l'une à l'autre.

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Avez-vous des références de maîtres ? Des exemples qui vous ont motivé et qui vous motivent toujours ?

 

Akuzawa Minoru Sensei est certainement la personne qui m'a le plus marqué, il m'a ouvert la porte d'un monde qui m'était absolument inconnu. Je suis aussi toujours stupéfait à chacune de nos rencontres de voir à quel point il change. Sa pratique est en constante évolution et il se remet constamment en question. C'est pour moi la marque des plus grands.

 

Bien sûr au long des années d'autres maitres m'ont influencé et continuent de le faire.

 

Parmi eux, Léo Tamaki est très certainement l'autre « grande » référence pour moi.

La pratique de Léo va souvent aux antipodes de celle d'Akuzawa Sensei et pour beaucoup il paraît sans doute inconcevable de pratiquer les deux. Mais c'est justement pour cette raison que sa pratique me parle.

D'une part parce qu'elle remet fondamentalement en question mes choix de pratique de façon systématique et que ça m'oblige à me remettre perpétuellement en question.

Ensuite parce que ces deux pratiques visent à modifier l'utilisation du corps, et que leurs approches en parallèle me permettent de comprendre certains points plus facilement. J'ai un côté hyperactif et j'ai besoin de voir les choses sous différents angles pour les connecter.

Léo s'est également toujours montré extrêmement généreux et supportif envers moi alors qu'il n'avait aucune raison de le faire. Je suis très attaché à l'humain et ce sont des traits de caractère que j'apprécie particulièrement.

 

Maul Mornie, le fondateur du Silat Suffian, est une autre personne qui compte pour moi. Je ne l'ai pourtant vu que 3-4 fois sur les 8 dernières années, mais je me suis rendu compte à notre dernière rencontre qu'il m'avait plus influencé que je ne l'imaginais. Humainement, Maul est également une personne exceptionnelle, le genre de personne avec qui on passe toujours un bon moment.

 

Et enfin il y a Washizu Terumi sensei, fondateur de l'Aikido Gyokushin-ryu, et dernier assistant de Mochizuki Minoru Sensei. J'ai une grande passion pour les sutemi et Washizu Sensei est une personne incontournable dans le domaine. Lui-aussi est d'une gentillesse sans pareil, généreux, toujours souriant.

 

De manière générale que ça soit dans les arts martiaux ou ailleurs, il y a deux choses que j'apprécie chez les gens : leurs qualités interpersonnelles et leur capacité à faire les choses différemment et à inspirer.

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Crédit photo: web-tiki

En plus de votre pratique au Dojo, avez vous une routine chez vous ?

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J'ai surtout une routine en fait, ma pratique au dojo représente moins de 20% de ma pratique.

Tous les matins je commence ma journée par les exercices respiratoires de la méthode Wim Hof, quelques étirements, et 30-40 minutes d'Aunkai (avec un programme variable selon les qualités corporelles que je veux développer), et si j'ai le temps un peu de travail au sabre.

Le tout suivi par une douche froide.

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Au déjeuner, je pratique le Yoga pendant une heure, et ce en moyenne 5-6 fois par semaine.

Le soir si je ne vais pas au dojo, je refais une séance d'Aunkai ou du sabre, ou autre chose.

Ma femme me regarde souvent avec un air désespéré...

Pour vous, qu'apportent les arts martiaux sur le point de vue physique, mental et spirituel ?

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C'est difficile à dire parce qu'il est probable que chacun y trouve quelque chose de différent.

Physiquement, je crois pouvoir dire que je n'ai jamais été aussi fort alors que j'ai moins de force musculaire qu'il y a une dizaine d'années. J'avais souvent des douleurs au dos et elles ont disparu. Les arts martiaux m'ont aidé à corriger ma posture, ma façon de bouger et à développer un corps qui au-delà des arts martiaux devient un véhicule de plus en plus agréable chaque jour.

Je pars du principe qu'on a qu'un corps. Si on n'en prend pas soin, il peut devenir une véritable prison, une limite. Les arts martiaux m'aident de ce point de vue.

 

Mentalement, les arts martiaux m'ont également beaucoup aidé. Remettre ma pratique en question au quotidien m'a aidé à me remettre en question de façon plus générale. Ma façon de voir le monde, d'interagir avec les gens. Le fait de se mettre en danger, même contrôlé, de recevoir des coups est important également. Ça fait relativiser. On se rend compte que les choses paraissent souvent plus effrayantes qu'elles ne le sont réellement.

 

Spirituellement, il est trop tôt pour le dire. C'est un sujet dont je suis de plus en plus curieux mais sur lequel j'ai encore trop peu d'expérience. J'ai tendance à dire que je pratique un Bujutsu et non un Budo pour cette raison. Le Budo implique l'existence d'une voie, d'un développement personnel permis par la pratique. Pour l'instant je pratique, je forge mon corps et mon esprit. Un jour peut-être cela m'amènera à quelque chose de plus.

C'est quoi une ceinture noire pour vous ?

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C'est une question que je me suis beaucoup posée récemment parce que je viens d'envoyer mon premier élève à un examen de ceinture noire.

Pour moi une ceinture noire c'est quelqu'un qui a les bases, qui a pratiqué sérieusement quelques années, qui connait le programme de l'école et qui peut l'appliquer. C'est une porte d'entrée sur la pratique, atteindre la porte est très bien, la franchir et explorer ce qui se trouve de l'autre côté est mieux.

Pour vous, comment évoluent les arts martiaux ?

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Ils évoluent et c'est sans doute une bonne chose. Le monde bouge, les temps changent, les arts martiaux ne font pas exception.

 

La mode est aujourd'hui aux sports de combat.

A Hong Kong, mon dojo est le seul a proposer du jujutsu japonais, et nous sommes peut être 200 pratiquants d'Aikido. Pour 8 millions d'habitants. On trouve en revanche du Jiujitsu Brésilien et de la Boxe Thai un peu partout. Ça n'est ni bien ni mal à mon avis.

Ça n'est pas ma pratique mais je comprends que ça plaise. La mode changera peut être.

 

Je me méfie surtout de ce que j'appelle l'effet « Whatsapp ».

On envoie aujourd'hui des messages en temps réel, et on peut se faire livrer n'importe quoi n'importe où en un temps record. Il y a un danger quand ce genre de choses déborde et qu'on veut tout acquérir immédiatement. Maitriser un art martial, comme maitriser une langue ou un instrument de musique prend du temps. Il y a des méthodes d'apprentissage qui peuvent s'avérer plus efficaces, mais il n'y a pas de raccourci.

Xavier Duval lors de la NAMT 2017 (nuit des arts martiaux traditionnels) à Paris, France.

Certains pratiquants disent ou pensent que les arts martiaux traditionnels sont voués à disparaître car ils sont dépassés ? Qu'en pensez vous ? Que pouvez vous leur répondre ?

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Je ne crois pas qu'ils soient dépassés, ces pratiques ont survécu pendant aussi longtemps parce qu'elles étaient adaptées au combat réel et qu'elles ont su s'adapter quand c'était nécessaire. Le problème ne vient pas de ses pratiques à mon avis mais de la façon dont elles sont pratiquées. Pas forcément avec beaucoup d'intensité et souvent en restant dans sa zone de confort.

 

Il y a aussi un risque à vouloir comparer les champions de l'UFC à l'enseignant bénévole du dojo du coin.

Un pratiquant loisir qui s'entraine 2h par semaine ne jouera jamais dans la même cour qu'un professionnel dont c'est l'activité principale et c'est normal. Ça ne remet pas en cause la pratique elle-même pour autant.

Vous êtes le rédacteur en chef du magazine YASHIMA, comment l'idée vous est venue de faire ce magazine ?

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Je suis effectivement rédacteur en chef de YASHIMA mais l'idée ne vient pas de moi.

C'est Léo Tamaki qui a lancé ce projet avec une petite équipe de gens très compétents. Lors de sa venue à Hong Kong en janvier dernier, il m'a parlé du projet et m'a proposé de les rejoindre. Si j'avais peur de ne pas avoir le temps de m'engager convenablement, il était malgré tout très difficile de refuser un tel projet.

 

Je pratique avec passion depuis longtemps et je dévore depuis des années les blogs, les livres, les documentaires et autres ressources sur le sujet. Les magazines m'ont toujours laissé sur ma faim cependant.

Souvent superficiels, ils n'étaient pas forcément adaptés à des pratiquants qui cherchaient un contenu plus profond. Yashima était le magazine que j'aurais voulu avoir entre les mains dès mes débuts. Je suis très heureux de pouvoir à mon petit niveau apporter une contribution à la communauté.

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Quels sont vos projets ?

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Dans les deux prochains mois j'ai prévu de recevoir à Hong Kong un des assistants d'Akuzawa Sensei, Robert John, pour un stage, ainsi que Léo Tamaki. Entre temps je me rendrai au Japon voir Akuzawa Minoru Sensei et pratiquer sous sa direction.

 

Hors tatamis, le développement de Yashima est clairement l'une de mes priorités. Il y a énormément de sujets que nous voulons traiter et proposer aux lecteurs. C'est beaucoup de travail mais je crois que ce journal a une réelle utilité.

 

Enfin, mon projet principal est personnel et aura une influence sur tous les autres. J'attends des jumeaux et la façon dont je gère mon temps va nécessairement en être impacté, ainsi que mon sommeil. (Rires)

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Crédit photo: JoKeung

Un mot pour la fin ? Quelque chose à rajouter ?

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Les arts martiaux sont d'une richesse sans fin, mais ce sont aussi des écoles de la frustration.

Progresser prend du temps et demande une remise en question permanente. C'est pourtant cette difficulté qui en fait tout l'intérêt.

 

Pratiquez, faites vous plaisir, aidez vos partenaires à se faire plaisir.

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Crédit photo: Web tiki
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