PATRICK MCCARTHY
Hanshi 9e Dan - Fondateur du KORYU UCHINADI KENPO-JUTSU et de
International Ryukyu Karate Research Society
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m'appelle Patrick McCarthy, je suis directeur de l' International Ryukyu Karate Research Society Ryukyu Karate-jutsu
Kokusai Kenkyukai 琉球唐手術国際研究会 fondé en1988 au Japon et actuellement je suis 9ème Dan Hanshi .
Je suis un élève de la 5ème génération d'Okinawa Karaté-Jutsu et j'ai appris directement auprès de mon instructeur décédé à Okinawa, Kinjo Hiroshi (1919-2013). L'enseignant de Kinjo était Hanashiro Chomo (1869-1945), qui avait étudié avec Itosu Ankoh (1832- 1915) qui lui appris directement de son maître Matsumura Sokon (1809-1899).
Patrick McCarthy avec son sensei Kinjo Hiroshi
Racontez-nous vos débuts dans le monde des arts martiaux.
Comment êtes-vous arrivé à la pratique des arts martiaux ? Par quel art ? Maître ? Dojo ?
L’office national du film du Canada (CNFB) a présenté à mon école au milieu des années 60 un documentaire intitulé «Judoka», dans lequel figurait un jeune athlète canadien, Doug Rogers, devenu champion du monde, champion panaméricain et olympique.
Le film a également mis en lumière son entraînement intensif et sa vie au Japon. Je me suis inscrit à mon premier Dojo en septembre 1967. Le club de Judo de Saint John, dirigé par Sensei Dutchie Schell.
1er partie du documentaire JUDOKA
Qu'est ce qui vous a plu ? Ce qui vous a fait aimer les arts martiaux ? Ce qui vous a poussé et continue à vous pousser à continuer ?
Avec le recul, il est facile de décrire la sensation écrasante que j’ai ressentie dans mon enfance comme une expérience qui change la vie.
N'oubliez pas que si les arts de combat sont très bien acceptée et commun dans notre culture d'aujourd'hui, il y a cinquante ans, ils ne l'étaient pas !
En tant qu'enfant, je me suis rendu compte que les arts de combat pouvaient changer notre vie, ils ont immédiatement résonné dans tout mon être! Ce challenge reste en moi même aujourd'hui.
Pour vous, qu'apportent les arts martiaux sur le point de vue physique, mental et spirituel ?
Lorsqu'ils sont bien pratiqués, les arts du combat conditionnent le corps, cultivent l'esprit et le nourrissent…
Un tel chemin a longtemps été considéré comme un message et une promesse intemporels.
Avez-vous des références de maîtres ? Des exemples qui vous ont motivé et qui vous motive toujours ?
Plusieurs exemples de motivation se sont manifestés tout au long de ma vie: vouloir devenir autonome, comme le champion, présenté dans le documentaire de la CNFB, et devenir un champion compétitif (classé plus de dix ans entre le milieu des années 1970 au milieu des années 80), pour devenir un propriétaire de Dojo prospère, un chercheur, un auteur et un conférencier international et un instructeur de séminaires.
De nos jours, je suis en grande partie motivé par la capacité de responsabiliser les autres et de redonner ce qui est important pour moi.
En France vous connaissez le maître Roland Habersetzer. Connaissiez vous aussi le maître Henry Plée, le pionnier du karate en France ? Pouvez-vous nous dire quelques mots sur eux ?
Oui, bien sûr, Sensei Habersetzer est un cher ami et un collègue respecté. Nous avons un ami commun, Ohtsuka Tadahiko (1940-2012), le pionnier de Goju Kensha et une référence dans le domaine des études sur le Bubishi.
Habersetzer Sensei et moi avons tous deux publié des études approfondies et des traductions de cet ouvrage intemporel du Fujian-Okinawa. Je n’ai que le plus profond respect pour Roland en tant que collègue et ami personnel depuis de nombreuses années.
Je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer le regretté pionnier français du karaté, le grand maître Henry Plée, mais bien sur je le connais et j’ai beaucoup étudié et apprécié son travail. En passant, j'ai rencontré et étudié à la fois avec le regretté Dr. Vernon Bell, qui a reçu son Shodan de Sensei Plée en 1957, et Sensei Mochizuki Minoru, l'un de ses instructeurs originaux (en karaté et en aïkido)
Je suis aussi un très grand admirateur de Dominique Valera. Ses premières contributions à la compétition et son style / stratégie de combat ont été incroyablement inspirants.
Patrick McCarty avec sensei Roland Habersetzer avec leur Bubishi
En plus de votre pratique en tant qu’enseignant, avez vous une routine chez vous?
Oui, bien sûr, cependant, ces dernières années, je me débattais avec des problèmes de santé, ce qui a eu une incidence sur mes routines personnelles de conditionnement physique, tant au Dojo qu'à la maison.
Que représente la ceinture noire pour vous ?
La Kuro-obi (帯 / ceinture noire) a représentée différentes choses à différents moments pour moi.
Dans ma jeunesse, cela représentait la récompense ultime pour surmonter les obstacles physiques difficiles. Elle a toujours représentée le symbole emblématique de la réalisation de différents niveaux de compétences techniques dans les domaines de l'art et du sport.
Aujourd'hui, j'aime penser à la ceinture noire comme un symbole iconique du dévouement inébranlable, au processus interminable et à la poursuite perpétuelle d'amélioration personnelle.
Quelle est la place des KATA dans le Karate et dans les arts martiaux japonais en général ?
C’est l’incarnation des arts du combat… une sorte de capsule temporelle qui contient l’essence même de son application.
Malheureusement, son objectif initial est devenu quelque peu ambigu pour beaucoup et apparemment éclipsé par lles paillettes et le brillant des tendances plus populaires telles que le MMA, etc...
Quelle est la place des saluts, du cérémonial Reishiki dans les arts martiaux?
Comme les rituels cérémoniaux du bouddhisme, les Japonais ont aussi des règles similaires régissant les comportements socialement acceptables dans leurs arts de la guerre,
Ces traditions anciennes utilisent souvent des métaphores pour renforcer la valeur de ses rituels et de ses cérémonies au lieu d'insister sur ce qu'elles symbolisent! Par exemple, dans le bouddhisme, l’allumage de lampes et de bougies symbolise la diffusion de l’illumination; c'est-à-dire les enseignements de Bouddha. La sonnerie des cloches et la dispersion des pétales de fleurs font de même. Elles symbolisent toutes l'éveil des sens et la diffusion des enseignements de Bouddha. La combustion de l’encens ravive immédiatement notre sens de l’odorat et notre conscience et symbolise la nécessité de brûler nos impuretés pour révéler la pureté intérieure. Lorsque le parfum monte et se dissout, il est utile de nous rappeler la nature transitoire de l'existence.
On dit parfois que le Budo (武 道) est un microcosme de la culture dont il est issu… une représentation miniature de ses coutumes, de ses valeurs sociales et de son état d'esprit.
Par conséquent, plus on apprend de telles choses, plus elles sont susceptibles de nous faire comprendre son peuple, ses rituels, ses cérémonies et ses pratiques spirituelles quotidiennes. La société moderne du Japon s’est construite sur la culture de la conformité basée sur Confucius.
Patrick McCarty sensei saluant ses élèves
Beaucoup de non pratiquants de Karaté pensent que c'est une discipline rigide et dépassée que pouvez-vous leur répondre ?
Je ne leur reproche pas de le penser parce que le karaté moderne a largement évolué pour devenir un loisir culturel qui privilégie l'empathie pour la compétition régie par des règles qui ne contribue guère à la réalisation de son objectif défensif initial.
La vérité est que le karaté de la vieille école a pratiquement disparu.
Beaucoup de non pratiquants de Karaté pensent que c'est une discipline rigide et dépassée que pouvez-vous leur répondre ?
Je ne leur reproche pas de le penser parce que le karaté moderne a largement évolué pour devenir un loisir culturel qui privilégie l'empathie pour la compétition régie par des règles qui ne contribue guère à la réalisation de son objectif défensif initial.
La vérité est que le karaté de la vieille école a pratiquement disparu.
Vous enseignez le style ''Koryu Uchinadi'' Pouvez-vous nous en parler ? Ses principes, valeurs, ses spécificités ?
Koryu Uchinadi, également connu sous le nom de KU et Koryu Uchinadi Kenpo-jutsu 古流沖縄手拳法術, n’est pas un style c'est une collection complète et une interprétation contemporaine du conditionnement et des pratiques d’application à deux personnes de la vieille école.
Il représente mes plus de cinquantes ans d’études empiriques, de formations croisées et d’analyses sur l’utilisation de la force non létale contre les actes de violence physique commis dans l’histoire de l’humanité.
Ses principes conceptuels s’expliquent mieux par la simplicité et la science appliquée de l’impact et de la saisie; par exemple. Les deux principales catégories que la violence physique met en jeu sans utiliser d’armes.
Ses valeurs sont assez simples. Pour conditionner le corps, cultiver l'esprit et nourrir l'esprit afin de célébrer l'autonomie, la santé et la réalisation personnelle.
La spécificité de KU est la voie unique qui fusionne théorie et pratique pour créer une compétence fonctionnelle
Quels sont vos projets ?
Je viens tout juste de rentrer, j'ai enseigné au Royaume-Uni, dans l'Union européenne, en Amérique du Nord et au Japon.
Je viens également de publier mon neuvième livre, «Legend of the Fist», et cinq autres livres sont également en cours. Une grande partie de mon temps, quand je ne voyage pas et n'écris pas, est consacrée à aider les autres instructeurs à trouver des moyens de renforcer leurs programmes existants sans nuire à l'apparence esthétique de leur style de base.
Je suis également en train de déménager notre siège social à Los Angeles.
Un mot pour la fin ? Quelque chose à rajouter ?
Je crois que la philosophie conceptuelle de cet art est véritablement universelle, même si certains d'entre nous creusent de plus près à la source d'origine pour la trouver, tandis que d'autres se tournent davantage vers l'horizon où ses nombreux ruisseaux et affluents ont depuis coulé.
Les efforts conjugués pour comprendre cette essence et maintenir cette belle tradition vivante et fonctionnelle, et pas seulement dans le présent, mais aussi pour les nombreuses générations futures qui souhaitent encore jouir de l’autonomie qui en découle, constituent un message intemporel que nous devons tous embrasser et transmettre. La camaraderie, l’autonomie et la célébration de réalisations personnelles à travers cet art sont bien plus utiles que les fugaces moments de victoire contre un adversaire tombé au combat.
Ce qui nous sépare n’est pas aussi important que ce qui nous rassemble.
