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GERMAIN CHAMOT

 4e Dan Aïkido Kishinkai et praticien de Shiatsu,  

Rédacteur en chef du magazine Spécial Aikido

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Peux-tu te présenter ? 

.Je m'appelle Germain Chamot. J'ai 34 ans, je suis enseignant d'Aïkido et ShiatsuShi. 

Comment es-tu arrivé dans les arts martiaux ?

Mon père, Jean-Marc Chamot, est un expert d'Aïkido. Il m'a donné envie de pratiquer mais comme le dojo était loin et les cours tard, je suis passé par le Judo puis d'autres sports. Finalement c'est à 20 ans que j'ai pu m'investir dans la pratique.

Ton père ne t'a pas enseigné dans ton enfance ?

Si, mais sans que je m'en rende compte. (Rires)

Au départ je ne pouvais pas suivre ses cours et partager le même tatami que lui.

 

Mais n’importe quelle activité était une opportunité pour qu'il m'apprenne à faire attention à mon environnement, à la manière de me tenir, ou d’utiliser mon corps.

Finalement, il m'a enseigné les principes du Budo dès mon enfance sans que j'en sois conscient.

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27 mois et déjà un Katana dans les mains ! 

Quel a été le déclic de ton investissement martial ?

Un jour j’ai demandé à mon père de me montrer une technique efficace. Il m'a demandé de l'attaquer et j'ai lancé un coup de poing. Il a disparu et pénétré mon espace en passant sous la frappe. J'étais à sa merci et cette sensation m'a vraiment marqué.

À l'époque je me suis aussi fait la réflexion que l'homme pouvait changer en s'investissant dans une voie, trouver des réponses aux questions fondamentales tels que "Qui sommes-nous ?".

En un mot, l'Aïkido m'a semblé un chemin vers une vie plus pleine.

Le statut d'expert de ton père a-t-il été un poids ou un avantage ?

Ça n’a pas toujours été confortable, et j'ai mis du temps à trouver ma place. Être le « fils du sensei » est une responsabilité car tu ne veux pas mettre ton père dans l'embarras. Les pratiquants te prêtent aussi parfois un niveau que tu n'as pas. On peut soit se complaire dans cette mascarade, soit être écrasé et arrêter la pratique, ou enfin être motivé pour répondre à ces attentes.

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C’est une situation complexe.

Quel que soit le domaine, les "fils de" rencontrent comme chacun des opportunités et des obstacles. Leur nature est simplement différente.

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Germain avec son père, Jean-Marc Chamot,  pratiquant 7 Dan Aikido et 4ème Dan Iaido

Pour toi, qu'apportent les arts martiaux du point de vue physique ?

À un niveau superficiel, les bénéfices physiques de la pratique martiale sont comparables à n’importe quelle activité sportive. Pour que les arts martiaux révèlent leur valeur et leur spécificité, il faut les pratiquer dans un cadre exigeant, précis, qui seul permettra de développer une conscience corporelle fine. La porte de ce que l'on appelle la modification de l'utilisation du corps.

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Cela signifie qu’il faut prendre le temps d’apprendre, et ne pas chercher la performance immédiate.

Et au niveau du mental ?

La contrainte physique tangible de la pratique est le support du développement de notre mental.

Faire face à quelqu’un armé d’un sabre nous oblige à être pleinement présent. Et avec le temps, cette qualité de présence infusera progressivement notre vie quotidienne ...

La difficulté réside dans le fait qu'à mesure que l’on progresse, il y a de moins en moins de personnes susceptibles de nous poser des difficultés. On court alors le risque d’entrer dans une pratique mécanique où l’on devient absent à soi-même. C’est comme si on se mettait à la musculation et qu’au bout de 2 ans on cessait d’augmenter les charges. La stagnation est alors inévitable. C'est pourquoi il ne faut jamais se couper de ses pairs et ses aînés. Car ils sont essentiels à une progression constante.

Enfin sur le plan spirituel ?

La pratique martiale est un outil qui aide à vivre plus pleinement sa vie d’être humain. Ni plus, ni moins. La « transformation » martiale fonctionne parce qu’elle est concrète. Il nous faut rester pragmatiques.

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Comment définirais-tu l'Aïkido ?

Pour moi l’Aïkido est un outil d’exploration et de développement de notre potentiel humain à travers la pratique de techniques guerrières. Comme tout outil, il est efficace dans un contexte spécifique. Pour retirer des bénéfices de notre pratique, il est donc nécessaire de clarifier ce contexte.

Quel est justement ce contexte ?

L’Aïkido est fondamentalement conçu pour faire face à quelqu’un d'armé. Quand les techniques semblent invraisemblables, c’est qu’on les a sorties de leur contexte, qu’on essaie de les appliquer dans un cadre auquel elles ne sont pas adaptées.

Un mouvement sert à résoudre un problème spécifique. Si on emploie une technique inadaptée, on ne résout rien et on risque d'aggraver la situation.

Que manque-t-il généralement aux pratiquants pour que leur Aïkido soit efficace ?

Un système martial doit être suffisamment simple pour être applicable, et suffisamment complexe pour être adaptable.

Pour être efficace il faut pouvoir appliquer un mouvement malgré l’incertitude de l’attaque. Cela signifie comprendre le champ d'application des techniques, et le rapport qu'elles entretiennent entre elles.

Comment vois-tu le futur de l'Aïkido ?

La discipline s’éteint et il faut agir rapidement. Les grands groupes ont vécu sur leurs acquis sans évoluer avec le monde. Ils n'ont évolué ni dans leur communication ni dans leur pratique, et ce qui faisait rêver il y a deux générations est aujourd'hui désuet et obsolète.

L’art martial permet de se développer humainement efficacement car il repose sur des éléments concrets. La peur, le stress, la douleur doivent être éprouvés pour que l’individu puisse se construire en rapport avec le réel. Une pratique « éthérée » qui ne s’ancre dans aucune réalité n’est d'aucune utilité.

 

« C’est un art martial dont le fondateur était invincible, mais ça n’est pas fait pour se battre... » est ridicule et n'inspire personne. Consciemment ou non, le public perçoit ce qui est dissonant et préfère s’orienter ailleurs. Si l’on veut attirer une nouvelle génération de passionnés il faut revenir aux fondamentaux en remettant en avant l'essence de la discipline, l'art martial.

Comment définirais-tu un art martial efficace ?

Un art martial efficace permet de survivre dans le contexte pour lequel il a été créé. Cela peut recouvrir des réalités très différentes.

Lorsqu’on parle d’efficacité dans les arts martiaux, on prend souvent comme référence le cadre des sports de combat. Bien sûr il y a des éléments transversaux. Mais bloquer un crochet et remiser est différent d'entrer dans une attaque au couteau pour crever un œil. Le contexte, l'état d'esprit, et la mécanique corporelle sont distincts. Les arts martiaux et les sports de combat ont des points communs mais sont, comme leur nom l'indique, de nature différente.

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Peux-tu donner l'exemple d'une mécanique corporelle différente ?

Paradoxalement l’Aïkido aujourd’hui est souvent pratiqué comme une compétition de puissance physique. On essaye de surmonter des contraintes physiques pour prouver sa force, dans la plus pure tradition de l'affrontement rituel. C’est dramatique, car l’art n’est pas conçu pour cela. L'Aïkido vise à agir sans s'opposer.

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Ainsi on voit souvent un travail de développement de l'ancrage, qui est essentiel dans les luttes par exemple, mais inutile face à une arme. Dans ma pratique de l’Aïkido je travaille la mobilité pour me mettre hors d'atteinte, et surtout pouvoir entrer dans l'espace de l'autre pour réduire la menace à néant. C'est le principe irimi – qui est au cœur de la discipline – que m'avait démontré mon père sur mon coup de poing.

Quelle est ta définition de l'efficacité martiale ?

Au-delà de l’efficacité à combattre, c'est l’efficacité à éviter le combat qui est à mon sens le but de la pratique martiale. C’est la capacité à s’affirmer sans pour autant rompre l’harmonie. C'est savoir prendre sa juste place.

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Penses-tu que les arts martiaux traditionnels sont voués à disparaître ?

« La véritable tradition n'est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de trouver l'esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de toutes autres en d'autres temps. » Paul Valéry 

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Toute pratique martiale est adaptée à un contexte. Comme ce contexte évolue constamment, au bout d’un moment, les techniques que l’on pratique deviennent inadaptées. Qu’il s’agisse du ring ou de la rue, combattre aujourd’hui comme on le faisait il y a cent ans amènera certainement quelques déconvenues...

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Notre travail ne consiste pas à nous attacher à une expression formelle, mais à découvrir les principes qu’elle dissimule. Plutôt que de copier ce que les anciens faisaient, il s’agit de comprendre ce qu’ils cherchaient. L’artiste martial n’est pas un recopieur du passé, il est un créateur inspiré par l’héritage de la tradition.

Tu as exploré plusieurs formes d'Aïkido ?

Oui. Mon père est un enseignant formidable, et plus ça va plus je perçois l’intelligence de sa pratique.

Cependant nous n’avons pas le même gabarit ni la même personnalité, et par conséquent nous ne sommes pas confrontés aux mêmes difficultés, ni intéressés par les mêmes choses. Alors que je pratiquais de manière intensive avec lui, il a été le premier à me conseiller de visiter d'autres dojos. C'est ainsi que j'ai fini par découvrir le Kishinkaï.

Comment cela s'est-il passé ?

Malgré ou à cause des années de pratique, certaines de mes questions ne rencontraient pas de réponses satisfaisantes. Je me suis alors résolu à aller rencontrer Léo Tamaki. Je lisais avec intérêt ses écrits depuis plusieurs années, mais sa communication décomplexée me choquait et c'est quelque part en dernier recours que j'ai passé outre mes a priori pour aller le rencontrer.

Il m’a fallu un certain temps pour comprendre l’intérêt de sa démarche. À chaque fin de cours j'allais lui demander les raisons de ses choix techniques. Pas une seule fois il n’a esquivé mes questions ! Ses réponses étaient toujours argumentées, documentées et logiques. Sa pratique quant à elle était totalement cohérente avec ce qu’il décrivait. Et surtout, elle permettait de gérer l’incertitude de l’attaque, ce qui est trop rare en Aïkido.

C'est ce qui t'a amené à t'investir dans cette école ?

Il y a naturellement la qualité et la cohérence de la pratique. Mais un autre facteur déterminant a été de découvrir que la méthode Kishinkaï permettait à tous ceux qui s'y investissaient d'atteindre un haut niveau. Je pense bien sûr à Isseï Tamaki, Tanguy Le Vourc'h et Julien Coup, mais aussi aux autres enseignants et pratiquants de l'école.

Les autres cadres du Kishinkaï me challengent et m'inspirent chacun à leur manière. Il y a à l'heure actuelle peu d'écoles d'Aïkido avec une telle concentration de jeunes pratiquants investis, et c'est très stimulant.

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Pourquoi as-tu décidé d’enseigner ?

J’avais à la fois envie de partager ce que j'avais reçu, et dans le même temps d'explorer mes intuitions en les éprouvant avec des personnes qui partagent le même contexte de pratique. J'ai la chance d'avoir un groupe d’élèves formidables au dojo de Valence, et cela m'apporte beaucoup de joie.

As-tu des routines ?

J’ai trois types de routine : musculation, yoga et méditation, qui sont pour moi un prérequis à la pratique martiale.

Bien que parfois mal perçue dans le monde des arts martiaux traditionnels contemporains, la musculation est une pratique indispensable à laquelle s'adonnaient nos anciens sous diverses formes. D’abord pour ce qu’elle apporte intrinsèquement (santé, équilibre postural, force, connaissance du corps…), mais aussi parce qu’elle nous apprend à définir nos objectifs, à planifier et à rester concret. On ne peut pas se cacher derrière son petit doigt : on arrive à soulever le poids ou pas.

Concernant le Yoga, j’ai développé une routine à partir des cours que j’ai suivi, d’ouvrages spécialisés et de la préparation du Kishinkaï.

Enfin pour la méditation, je suis un protocole issu de la méthode Vipassana.

Travailles-tu des exercices en solo pour la pratique martiale ?

Oui. En Aïkido nous n'avons pas de kata à répéter seul comme en Karaté par exemple. Passé quelques roulades, des déplacements et des coupes au sabre, l'Aïkidoka « standard » se trouve donc vite limité en solo.

Mais l’avantage au Kishinkaï c’est qu’un accent fort est mis sur la manière d’utiliser le corps. Cette manière de bouger est associée à des sensations corporelles précises. Avec un peu d’expérience il est donc rapidement possible de s’entraîner seul et en conscience. Il ne s’agit pas nécessairement de répéter un geste pour le rendre plus rapide ou plus puissant, mais de chercher ce qui dans sa mécanique va le rendre plus efficace.

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Quelles sont les rencontres qui t'ont particulièrement marqué ?

Que ce soit pour leurs qualités martiales ou humaines, il y a énormément de personnes qui m’ont inspiré. En voici quelques-unes.

 

Pierre Simon : Cet ami de mon père aujourd’hui décédé avait vécu au Japon et était Shihan de plusieurs KoryÅ«. Sa présence et son engagement dans la voie étaient électrisants. Il avait la présence la plus forte que j’ai rencontrée.

 

Kuroda Tetsuzan : J’ai suivi plusieurs séminaires avec Kuroda Senseï. Ses mouvements sont imprévisibles et parfois tellement surprenants qu’ils en deviennent terrifiants. Plusieurs fois il m’a fallu quelques minutes pour me remettre émotionnellement de ses techniques.

 

Christian Tissier : J’ai récemment eu l’occasion de le rencontrer en dehors des tatamis. J’ai trouvé sa présence très inspirante et extrêmement agréable. Il sait précisément se positionner en toutes circonstances, ce qui est l'essence de la pratique martiale.

 

Léo Tamaki : Si mon père m’a donné l’élan pour débuter, c’est Léo qui a révolutionné ma pratique. Il est maintenant très médiatisé, et pourtant la qualité et l’intérêt de son travail ne sont pas toujours perçus à leur juste valeur. Tout est minutieusement étudié dans ce qu’il propose et la manière de l’enseigner. Au-delà de sa technique brillante, il apporte énormément au monde des arts martiaux.

 

Enfin, il y a bien sûr mon père. C’est très clairement en raison de sa forte présence que j’ai débuté la pratique. C’est difficile d’en parler car quand on est proche de quelqu’un, on s’habitue à ses qualités. Techniquement il a su conserver des éléments de la pratique de tous les maîtres qu’il a rencontrés. Il a également une capacité peu commune pour disséquer un mouvement et l’analyser.

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Germain avec  Léo TAMAKI - Monaco 2016

Quels sont les liens entre le Shiatsu et ta pratique martiale ?

Le Shiatsu apporte principalement trois bénéfices au pratiquant d’arts martiaux. Tout d’abord il va favoriser la récupération après l’effort. Ensuite il permet de développer sa conscience d’une manière complémentaire à la pratique martiale.

Enfin, le Shiatsu permet d’utiliser son corps avec les mêmes principes que l’Aïkido mais dans un objectif différent. Ainsi la qualité du toucher, la présence avant le contact ou la façon de transférer son poids sont réalisés de la même manière dans mon Aïkido et dans mon Shiatsu.

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Tu es aussi rédacteur en chef du magazine « Dragon Spécial Aïkido », et tu organises la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels (NAMT). Que t'apportent ces rôles ?

C’est l’occasion d’échanger avec de nombreux experts de haut niveau. Bien sûr cela nourri mes réflexions sur les arts martiaux. Mais l’exemple que donnent ces maîtres dans leur manière de communiquer ou de se comporter dans un contexte social est également source d’enseignement.

Quels sont tes projets ?

Au niveau de ma pratique, tant martiale qu'en Shiatsu : aller à l’essentiel sans rien négliger. Techniquement cela signifie comprendre le sens des mouvements, leur contexte d'application.

Au niveau de l'enseignement, continuer à faire progresser mes élèves techniquement et humainement. Leur présence m'encourage à donner des cours de qualité, à progresser dans la pratique et sa transmission.

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Stage au CDRAM sous la direction de Germain

Un mot pour la fin ?

La pratique doit nous aider à vivre mieux. Si ce n’est pas le cas, il faut chercher pourquoi. Aller rencontrer d’autres personnes, remettre en question les dogmes, chercher des réponses précises, accepter de s'être trompé… Tout cela fait partie du processus. Il faut continuer jusqu'à ce que la promesse de la pratique devienne réalité.

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LIENS:
Site internet: www.germainchamot.com

RONIN MARTIAL PRODUCTION - Interview réalisé par Julien BOUCHER MAI  2021

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