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BRICE AMIOT

3 Duan / Fondateur de l'école WUDE  Diplômé de la fédération Internationale de Wushu (IWUF)

Instructeur fédéral diplômé de la fédération de Wushu et Sanda 

Auteur du livre ''Esprit martial''

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Pouvez-vous vous présenter ?

Je me nomme Brice AMIOT, j’ai 43 ans. Je vis dans le sud de la France, dans le village de LA COLLE-SUR-LOUP (06) plus précisément.

J’y exerce le métier d’enseignant d’Arts Martiaux Chinois depuis plus de 15 ans.

Racontez-nous vos débuts dans le monde des arts martiaux. Comment êtes-vous arrivé à la pratique des arts martiaux ? Par quel art ? Maître ? Dojo ?

J’ai commencé les Arts Martiaux à la mort de mon Père lorsque j’avais sept ans.

Cette disparition soudaine a fait naître en moi l’idée qu’il fallait que je devienne fort afin de pouvoir affronter les épreuves de la vie. J’ai donc sollicité ma Mère et surtout ma Grand-Mère chez qui je vivais à l’époque. Elles m’ont aiguillé vers le Dojo de la ville de Lens qui se trouvait à quelques pas de la maison. J’y ai pratiqué le Judo sous la direction de Monsieur BERTIN, un homme merveilleusement bon. Ce Dojo Lensois comprenait également une salle de boxe dans laquelle j’ai pu découvrir l’art pugiliste : la boxe anglaise, bien entendu, mais aussi la boxe Thaïlandaise qui faisait alors tout juste son entrée en France.

 

Après trois ans de vie à Lens, ma Mère et moi avons trouvé logement dans la banlieue Lilloise. L’une de nos premières démarches a alors été de retrouver un club de Judo dans lequel j’allais pouvoir poursuivre ma pratique. J’ai intégré le Dojo de la ville de Faches Thumesnil sous l’enseignement d’un policier du nom de Didier BOUCHER. Parallèlement j’ai pu étudier l’Aïkido avec un de mes professeur d’éducation physique, Monsieur WAGNON. Il m’a appris à apprécier l’aspect éducatif des Arts Martiaux. Toutes ces disciplines et les hommes qui les enseignaient m’ont transmis des valeurs et donné une éducation basée sur le respect de la personne et de la paix.

 

J’étais un véritable passionné, je ne vivais que pour les Arts Martiaux et j’avais besoin d’expérimenter diverses approches martiales. Vers l’âge de quatorze ans, j’ai souhaité connaître la vision Chinoise des Arts de la guerre. C’était alors encore très difficile de trouver un club de Kung fu et aucun n’existait autour de chez moi.

Je me nourrissais donc de tout ce que je pouvais trouver sur le sujet. Je dévorais, entre autres, les livres de Me YANG JWING MING et ceux de celui que je considère comme l’un des plus grands Maîtres de notre siècle : Roland HABERSETZER.

Faute de trouver un club d’Arts Martiaux Chinois, j’ai intégré les cours de Karate du L.U.C. (Lille Université Club). J’y ai étudié le style Shotokan durant trois ans et ce club, constitué d’une petite équipe de passionnés, avait une vraie âme. Les entraînements étaient durs, la discipline était de fer, les liens entre les élèves étaient forts et l’enseignement était riche. Je m’épanouissais complètement dans ce vieux Dojo Lillois et ce fut très difficile, au bout de trois ans, de le quitter pour suivre ma famille dans le sud de la France.

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Une fois installé dans mes nouveaux quartiers, je ne parvins pas à retrouver un club de Karate SHotokan  à la hauteur de ce que j’avais pu connaître. Je me suis alors dirigé vers un style nouveau à l’époque : le Karate Shidokan et c’est sous l’enseignement de Serge ROSANO et, ponctuellement, de Gilles RICHARD que je pus explorer cette facette assez extrême des Arts Martiaux Japonais.

Ce style m’amena à pratiquer le combat dans un cadre très peu restreint, nous pouvions quasiment tout faire et ce, sans protections. J’ai considérablement forgé mon mental et mon corps durant cette période mais ce n’était pas ce que je recherchais, ni dans le fond, ni dans la forme. Je me faisais un devoir de vivre la réalité du combat libre un peu comme s’il fallait, pour savoir nager, apprendre à nager dans une mer déchaînée par la tempête mais je désirais plus que tout accéder à un savoir martial plus profond. Je sentais qu’on ne pouvait pas aller très loin dans cette dimension extrême qui risquait vite de devenir destructrice. J’ai donc mis un terme à cette expérience au bout de trois ans. Le cycle de trois années semblait décidément s’imposer à moi dès que je franchissais les portes d’un Dojo. Trois ans durant lesquels je vivais autour d’un axe central représenté par l’entraînement et l’étude d’une seule, ou même parfois de deux disciplines précises, comme si je devais les explorer intensément l’espace d’un temps déterminé avant de passer à autre chose.

 

Les Arts Martiaux Chinois m’attiraient plus que jamais. Ce que je trouvais dans les quelques clubs voisins ne me convenait guère et je pris alors la décision de m’entraîner seul en me formant régulièrement par le biais de stages avec des experts. C’est alors que je fis la rencontre de certains pionniers des Arts Martiaux Chinois en France comme Roger ITIER et Anthony DEHAS. Ils avaient créé l’université Française de Wushu, c’est-à-dire un programme d’enseignement des styles modernes de Kung Fu élaborés par le régime communisme dans les années cinquante. Bien qu’avant tout passionné par les Arts Martiaux traditionnels Chinois, je trouvais là l’opportunité d’étudier les rudiments de ce qu’ils étaient devenus après la seconde guerre mondiale et ses bouleversements au sein de la Chine, c’est-à-dire, une expression purement gymnique et théâtrale des Arts guerriers, un sport de démonstration.

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Je gardais tout de même un lien étroit avec mon passé de combattant puisque l’université Française de Wushu proposait également l’étude de la Boxe Chinoise, le Sanda. Je trouvais finalement, dans cette forme d’affrontement sportive, le moyen d’entretenir bon nombre de compétences acquises durant mes années d’étude des Art Martiaux Japonais.

L’université Française de Wushu me donnait l’occasion de rencontrer beaucoup d’experts et de côtoyer parfois les sommités mondiales de la discipline. J’avais accès à des stages extrêmement riches et variés qui me permettaient d’évoluer. Je mis fin à mon cursus scolaire afin de trouver un emploi « alimentaire » pouvant me permettre de consacrer beaucoup de temps à l’entraînement. Je travaillais la nuit et m’entraînais le jour. Je dormais peu mais comme on dit : « j’étais jeune et j’avais la passion comme moteur ».

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Durant près de dix années je me suis entraîné tous les jours à raison de quatre à cinq heures par jour sur le programme de la fédération internationale de Wushu qui regroupait les disciplines Changquan (boxe du nord de la Chine), Nanquan (boxe du sud), Taijiquan et Sanda.

Ce programme comprenait également l’étude de plusieurs armes comme le sabre, le bâton, la lance et l’épée. J’étais devenu un pur produit des écoles de Wushu moderne : un gymnaste, pas un Artiste Martial.

 

J’en étais conscient et, au fond de moi, je savais que ce n’était encore une fois, qu’une étape nécessaire. Vers quoi ?

Je ne savais pas vraiment mais tant qu’il y avait quelque chose à apprendre et tant que mon cœur me disait de poursuivre l’expérience, je continuais. Parallèlement je me nourrissais toujours des écrits de différents Maîtres ou professeurs de différentes disciplines et commençais à m’intéresser grandement au Wing Chun.

 

On m’avait un jour offert une vieille VHS d’un dénommé Randy WILLIAMS dans laquelle il expliquait les bases de son Art.

Cette vidéo m’avait fasciné et je savais que dès que l’occasion se présenterait, je m’investirai dans l’étude de ce style. Mais ce n’était pas le moment, la fédération Française de Wushu et Sanda venait de me proposer de faire partie de son équipe afin de disputer le premier championnat du monde de Wushu organisé au Etat Unis par Me WU BIN, formateur des équipes nationales Chinoises.

Ce championnat restera un souvenir inoubliable. Il me permit de découvrir l’Illinois et de vivre un merveilleux moment d’échange avec des pratiquants du monde entier. Il me permit également d’intégrer une équipe soudée qui bénéficia par la suite, des enseignements privés de Me WU BIN et de bien d’autres experts internationaux. Et, cerise sur le gâteau, je parvins à ramener deux médailles d’or et une médaille d’argent de cette grande compétition historique pour les Etats Unis.

Dès mon retour de ce championnat je pus valider ma ceinture noire fédérale et mon diplôme d’instructeur fédéral : je souhaitais devenir professeur. Mes titres internationaux m’ouvrirent des portes et l’opportunité de créer une association martiale digne de ce nom : l’association WUDE (vertus martiales).

 

Un an après je pris à nouveau le chemin d’une compétition prestigieuse en compagnie de l’équipe de France de Wushu et Sanda, mais pour Hong Kong cette fois. C’était pour le Championnat organisé au sein du sixième festival international de Wushu. Il y avait des milliers de participants et la pression était difficile à gérer pour tout le monde. Ne me sentant pas très à l’aise en générale avec les démonstrations et les compétitions, je commençais à trouver l’expérience pesante, surtout que je ne percevais plus aucun lien avec ce que je faisais et ce qui m’avait, à l’origine, fasciné dans les Arts Martiaux. On ne parlais pas de vertus, il y avait peu de valeurs enseignées, juste de la compétition, du sport. Je sentais à présent un désaccord intérieur. Il fut la cause d’une blessure grave sur l’un de mes genoux durant la compétition.

 

J’ai ramené quelques médailles de Hong Kong mais surtout un traumatisme physique que je traîne aujourd’hui comme un rappel à l’ordre : celui de ne jamais suivre une autre voie que celle que me dicte mon cœur. Je mis un terme à ma carrière de compétiteur. Je pris le temps de guérir suffisamment pour finir ce que j’avais à faire dans les sports d’inspiration martiale. Après avoir validé mon 3ème Duan fédéral (l’équivalent du Dan Japonais), je cessai brutalement la pratique du Wushu moderne. Le temps était venu de diriger mon énergie vers l’étude des Arts Martiaux traditionnels Chinois.

 

Mon plan d’action était déjà établi. J’avais passé toute mon adolescence à étudier les livres de Me YANG JWING MING. Il était pour moi, le formateur idéal. Je pris immédiatement connaissance de son programme de formation à distance. Le rythme des entraînements que je m’imposais alors quotidiennement était de l’ordre du déraisonnable. Mais j’avais le sentiment d’avoir perdu beaucoup de temps dans le milieu du sport martial et il me fallait le rattraper. Je pense différemment aujourd’hui car je ressens que la rigueur imposée par la pratique des styles modernes m’ont permis de maîtriser tous les rudiments mécaniques spécifiques aux Arts Martiaux Chinois car, même si ceux-ci comptent des centaines de styles différents, nous y retrouvons une approche commune de l’utilisation du corps pour le combat. Bien entendu, il me fallait rencontrer Me YANG JWING MING mais celui-ci venait d’entreprendre la création d’un centre au cœur d’une forêt Californienne afin d’y mener un programme de formation expérimental.

Me YANG JWING MING avait alors la volonté de s’y enfermer durant dix ans avec quelques élèves sélectionnés afin les former à raison de dix heures d’enseignement par jours. Il ne comptait pas vraiment se donner à autre chose. J’ai donc contacté Victor MARQUES, représentant Français de Me YANG JWING MING. Nous nous rencontrâmes rapidement à Paris et le courant passa tout de suite entre nous. Il m’informa du fonctionnement de la YMAA (Yang Martial Arts Association), me conseilla sur ma pratique et vint présenter le programme d’entraînement aux Chin Na (saisies et luxations) de la YMAA dans mon école.

Au bout de trois années de travail intense, une formidable nouvelle tomba : Me YANG JWING MING consentait à reprendre ses « tournées » dans ses écoles parsemées à travers le monde et sa première destination allait être la France. A cette occasion, Victor MARQUES m’arrangea une rencontre avec le Maître. Trois de mes élèves que j’avais personnellement formé sur le programme de la YMAA m’accompagnèrent. Après une brève entrevue nous suivîmes le programme d’entraînement que Me YANG JWING MING avait planifié sur plusieurs jours pour ses élèves et pour les stagiaires d’écoles affiliées : Taijiquan, Sabre, Qi Gong, Chin Na, Grue blanche. Pouvoir bénéficier des corrections et ajustements du Maître était un trésor inestimable. A l’issu de ces quelques jours, mes élèves et moi-même eûmes un court mais décisif entretien avec Me YANG JWING MING. Celui-ci nous félicita sur la qualité et la rigueur de notre travail (chose qui, d’après Victor MARQUES était plus que rare) et il conclut en me qualifiant « d’excellent professeur ». Je reçu cela comme le signe que j’étais plus que jamais à ma place sur la voie des Arts Martiaux Chinois traditionnels et le programme de la YMAA devint mon seul sujet d’étude durant des années.

 

Commençaient alors à se populariser de nouvelles disciplines en France. Je parle ici des disciplines de défense personnelle. Toujours animé par une curiosité insatiable, je me mis à fréquenter les stages de certains instructeurs dont la vision réaliste de la défense me convenait. Parmi eux je retiendrai tout particulièrement Itay GIL. Mais l’esprit des milieux de la self défense rentrait souvent en contradiction avec celui des Arts Martiaux. J’y pris ce que j’avais à y prendre.

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Il y a deux ans, Me Randy WILLIAMS a légué son école à son plus ancien élève, Mario LOPEZ.

Il garde une certaine proximité avec ses élèves privés mais ne se déplace plus en Europe pour enseigner et très peu aux Etats Unis. Depuis cette passation, je me consacre entièrement à la construction de ma propre école et m’entraîne en compagnie de mes élèves sur mon propre programme de formation en Wing Chun, Boxe Chinoise et Taijiquan

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Il y a quelques années, j’ai validé un CQP d’enseignant professionnel des Arts Martiaux au sein de la FFKDA ce qui me permet de vivre à cent pour cent de l’enseignement des Arts Martiaux.

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C’est alors que j’appris que Maître Randy WILLIAMS venait inaugurer l’ouverture d’une de ses écoles en France. Quelques semaines plus tard, je le rencontrai à Versailles. Nous eûmes un entretien privé à l’issu duquel il m’invita à Duisburg où se tenait le siège européen de son école de Wing Chun nommée Close Range Combat Academy (CRCA).

J’y fit la connaissance des représentants internationaux du Maître qui officialisa mon entrée au sein de son équipe d’élèves privés nommée « Barn Members ». Le Wing Chun de Me WILLIAMS vint alors se greffer au programme de mon entraînement quotidien.

Durant plus de cinq années, j’ai étudié son système, traduit ses livres en Français ainsi que les écrits destinés à ses élèves privés, parcouru l’Europe pour pratiquer avec lui le plus régulièrement possible, l’ai hébergé chez moi durant de longs séjours au cours desquels nous travaillions jusqu’à sept heures par jour. Grâce à cela, j’ai pu gagner sa confiance et devenir l’un de ses représentants en France.

Qu'est-ce qui vous a plu ? Ce qui vous a fait aimer les arts martiaux ? Ce qui vous a poussé et continue à vous pousser à continuer ?

Ce qui m’a plu, c’est leur aspect éducatif. Les Arts Martiaux traditionnels constituent une école de la vie.

Ils nous amènent, d’une part, à nous construire individuellement et, d’autre part, à savoir vivre avec les autres. Ces deux facettes sont non seulement indissociables, mais, en plus, elles dépendent l’une de l’autre. C’est ce qui a été, est et sera à la source de mon amour pour les Arts Martiaux.

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Brice AMIOT avec  Randy ''The seef'' WILLIAMS

Pour vous, qu'apportent les arts martiaux sur le point de vue physique, mental et spirituel ?

Pour répondre à cette question, je vais reprendre les arguments de ma réponse précédente :

Lorsque je dis que « les Arts martiaux nous construisent individuellement », je fais référence au fait qu’ils nous transmettent des outils et nous enseignent à les utiliser. Pour faire quoi ? Pour faire de nous-même des individus forts physiquement, mentalement et spirituellement.

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  • Physiquement, car ils nous apprennent à employer sainement l’énergie de chaque période de notre vie afin d’améliorer, entretenir et préserver la souplesse, la tonicité, l’endurance, la robustesse, la puissance, l’agilité, la coordination, la solidité, l’équilibre, l’unité de notre enveloppe corporelle et ce, en accord avec les lois naturelles de constitution de nos chaînes tendineuses, musculaires et osseuses. Ils nous apprennent les règles de la santé du corps liées au maintien d’un équilibre en toute chose : alimentation, respiration, émotions, entraînement, repos, travail théorique, travail énergétique, force, souplesse, etc.

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  • Mentalement, car ils nous apprennent l’auto discipline, le goût de l’effort, le courage, la persévérance, la volonté, la ténacité ou, en somme, toutes ces qualités qui permettent à un homme de se dépasser et de devenir meilleur.

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  • Spirituellement, car ils nous enseignent que le combat symbolise la vie, que notre plus grand adversaire n’est autre que nous même, que nos meilleurs professeurs sont les épreuves que nous rencontrons et enfin, que nous vivons au sein d’un univers qui a des lois, que nous y sommes soumis et que nous avons tout à gagner à vivre en harmonie avec ces lois. De ce fait, nous réalisons que l’objectif d’une existence est d’évoluer et de dépasser notre conception purement matérielle du monde. Les Arts Martiaux nous enseignent le pouvoir de l’esprit sur la matière, la nécessité de travailler sur soi chaque jour, l’intérêt de se reconnecter à la nature et surtout à la nature profonde de ce que nous sommes.

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Lorsque je veux expliquer cela à mes plus jeunes élèves, j’utilise l’image suivante : rentrer dans un Dojo, c’est comme rentrer dans une salle au centre de laquelle se trouve un immense bloc de pierre. Vous y rencontrez un professeur qui vous donne des outils et une méthode pour le sculpter. Votre objectif est de sculpter la plus parfaite représentation de vous-même dans cette pierre extrêmement dure.

Vous employez durant des années des procédés différents pour arriver à vos fins. Vous devez d’abord casser de gros blocs pour donner à la pierre une forme approximative puis, petit à petit, employer des techniques plus fines pour commencer à entrer dans le détail. Plus vous affinez votre travail moins vous avez besoin de force et les outils que vous employez ne sont plus du tout les mêmes qu’au début. Une fois la sculpture prête à recevoir les plus infimes détails, vous vous devez, à chaque séance, d’être le plus calme et concentré possible afin d’être extrêmement précis. Le professeur vous apprend à utiliser l’eau et l’air pour polir la pierre et vous invite souvent à vous rectifier pour rectifier votre œuvre.

Plus vous travaillez sur cette pierre, plus vous vous apercevez que celle-ci renferme les propriétés d’un cristal et plus vous vous rapprochez de la perfection, plus ce cristal laisse filtrer la lumière à travers lui.

C’est ce que je trouve, à l’heure actuelle, de plus simple pour expliquer le principe de la réalisation personnelle à travers la pratique des Arts Martiaux. On y voit les étapes de la formation physique et technique, la notion de travail sur le Soi, le rôle du professeur, l’image de la force, les notions d’assiduité, de répétition des mêmes gestes, le symbole de la pureté, celui de la lumière …

 

Bref, je parviens, grâce à cette image, à extraire mes étudiants de l’esprit de compétition (contre les autres) qui les motive souvent à franchir les portes de mon Kwoon (Dojo).

 

Lorsque je dis que « les Arts Martiaux nous amènent à savoir vivre avec les autres », je fais référence au fait que l’esprit d’un Dojo traditionnel est un esprit d’équipe.

Nous y apprenons à vivre en harmonie avec les autres. Si nous souhaitons comprendre réellement cet esprit, il faut s’intéresser aux piliers de la culture Asiatique : le Confucianisme, le Bouddhisme et le Taoïsme. Nous trouvons dans le Confucianisme, l’enseignement des principes qui contribuent à l’existence d’une société harmonieuse. Nous retrouvons tous ces principes dans un Dojo digne de ce nom : une hiérarchie logique, une place pour chacun, une volonté commune d’évoluer par l’étude et le travail, un ordre des choses basé sur le bon sens, la pratique des rites liés au maintien des traditions et des liens avec les anciens ou les ancêtres, la pratique des vertus (respect, humilité, altruisme, politesse, générosité, droiture, loyauté, tempérance, justesse, prudence …), la volonté de préserver la paix, la maîtrise des émotions, la maîtrise de l’ego, l’importance de l’honneur …

 

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Le Dojo est une petite société qui, selon moi, doit apprendre à ses membres qu’ils sont comme les maillons d’une chaîne de vélo : leur force n’a un sens que si elle est mise au profit du fonctionnement de la chaîne. Un maillon isolé ne sert à rien. Il ne fait rien tourner, rien avancer. Bien entendu l’expression « école de la vie » pour désigner les Arts Martiaux prend ici tout son sens puisqu’un Artiste Martial est sensé appliquer les leçons à l’extérieur du Dojo. Il doit trouver la place qui l’épanouira au sein de la société, incarner les vertus martiales, préserver la paix autour de lui, contribuer au bien-être de chacun autant qu’au sien ou plutôt, contribuer au bon fonctionnement d’une société sensé assurer son bonheur et sa prospérité. A l’heure au j’écris ces lignes, nous sommes tellement loin d’un tel système ! Peu nombreux sont ceux qui s’intéressent à l’Art de vivre avec les autres. Nous sommes trop concentrés sur nos petites personnes, on nous a divisé pour mieux régner et la compétition est reine. Les Arts Martiaux sont, à l’image de notre système, devenus des sports dans lesquels on doit devenir plus fort, plus violent ou plus spectaculaire que les autres. C’est à celui qui sera le plus beau « maillon en dehors de la chaîne ». Les Artistes Martiaux n’apportent plus rien au monde.

Savoir donner de beaux coups de pieds, de poings, faire de belles projections, être un grand champion apporte-t-il quelque chose à l’humanité ? Non, et comme le disaient les anciens Maîtres à leurs élèves : « les Arts Martiaux doivent contribuer au bien de l’humanité ». Transmettre aux gens à devenir plus forts dans leur corps et dans leur tête, à prendre soin de leur santé, à prendre soin de leur milieu de vie et surtout à savoir vivre en harmonie avec les lois universelles, la nature et les autres me semble bien plus important que d’enseigner une façon de briller en société par l’usage de la violence ou d’une illusion spectaculaire.

 

A ceux qui se demandent encore pourquoi les Arts de la guerre, lorsqu’ils n’ont pas été « sportisés » sont des disciplines idéales pour apprendre à vivre avec les autres, je réponds : Que vous enseigne-t-on dans un Dojo traditionnel ? 

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On vous enseigne à gérer des conflits dans le calme, la maîtrise émotionnelle, la maîtrise gestuelle et le respect de l’intégrité physique / psychologique de l’autre.

On vous apprend à vous exprimer gestuellement seul selon une norme imposée par votre école ou votre style et ensuite, on vous enseigne tout un tas d’exercices à exécuter a deux ou avec tout le groupe présent dans le Dojo. Ces exercices, pour être menés à bien, nécessitent de l’ordre, du rythme, de la discipline, de l’organisation, de la coopération, de la coordination, de l’attention. Il faut être efficace individuellement et ce, pour que le groupe soit efficace.

 

La réussite individuelle n’émerge que lorsque la réussite du groupe est validée. Ainsi, on évite de nourrir les egos.

Enfin, on vous enseigne à ne pas entrer en opposition mais bien en harmonie avec l’adversaire dans le combat. En découlent l’étude des principes d’adhésion et de suivi des actions de l’autre, l’emprunt de la force adverse, la gestion de la distance, des angles et du rythme.

Tous ces enseignements sont des outils à appliquer dans la vie pour vivre en paix à l’intérieur comme à l’extérieur de nous-même. La paix ne peut exister sans la guerre et les Artistes Martiaux se servent de l’entraînement aux Arts de la guerre pour faire naître la paix en eux et autour d’eux. »

 

C’est, à mon sens, tout cela que les Arts Martiaux traditionnels apportent.

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Avez-vous des références de maîtres ? Des exemples qui vous ont motivé et qui vous motivent toujours ?

Bien entendu, ceux qui ont été les plus importants dans ma vie sont YANG JWING MING et Randy WILLIAMS mais il y a aussi de grands Maîtres qui m’ont inspiré par leurs écrits ou leurs enseignements directs comme Roland HABERSETZER, Kenji TOKITSU et ZHANG FEI PENG.

Je pense également que toutes les pratiquantes et tous les pratiquants de ma génération ont été inspirés par la vision de Bruce LEE.

Vous êtes l'élève et le représentant en France de maître Randy « THE SEEF » Williams et de son école CLOSE RANGE COMBAT ACADEMY pouvez-vous nous en parler ? Quels sont ses spécificités ? Ses principes ? Etc...

Maître Randy WILLIAMS est un homme extrêmement intelligent doté d’un esprit analytique hors du commun. Ses grandes capacités intellectuelles l’amènent à poursuivre aujourd’hui une carrière de criminologue et sa réputation dans ce domaine est internationale.

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Né dans les quartiers Chinois de Los Angeles, Randy WILLIAMS vécu son enfance à quelques pas de la salle que Bruce LEE y avait ouvert en 1967. Il se passionna très vite pour les Arts Martiaux et réussit, dès l’âge de treize ans, à intégrer le groupe d’élèves d’un professeur de Wing Chun nommé Georges YAU. Celui-ci lui enseigna son Art durant sept ans avant de le recommander auprès d’illustres professeurs tels que Me HO KAM MING. Randy WILLIAMS étudia également le JEET KUNE DO aux côtés de Sifu TED WONG.

 

Sa grande maîtrise des Arts du combat le mena à devenir l’un des plus célèbres gardes du corps des années 80 et 90. Phil Collins, Antonio Banderas, Eric Clapton, U2, Madonna, Al Pacino et bien d’autres eurent recours aux services de celui que l’on surnomme « The Seef » (contraction du terme Sifu /professeur).

Durant 40 années de sa vie, Randy WILLIAMS s’acharna à expliquer la science profonde du Wing Chun aux occidentaux par le biais de nombreux livres et films descriptifs. A mon sens, ce qu’il a fait pour le Wing Chun, aucun autre Maître au monde ne l’a fait. Dès les années 80, il revendiqua une vision personnelle extrêmement réaliste de l’application du Wing Chun en combat. Il rassembla des adeptes de son style dans le monde entier sous la bannière d’une école qu’il nomma CLOSE RANGE COMBAT ACADEMY (CRCA).

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Dès sa création, la CRCA se démarqua des écoles classiques de Wing Chun. En effet, Randy WILLIAMS souhaitait faire évoluer le style et montrer qu’il pouvait s’adapter à toutes les situations de combat à courte distance, y compris au combat au sol. Il fut largement critiqué par le milieu du Wing Chun pour cela mais le souffle nouveau qu’il donna au style inspira de nombreuses écoles à travers le monde. D’ailleurs, aujourd’hui, rares sont les écoles de Wing Chun qui n’ont pas étoffé leur système de combat par une pratique au sol. Cette extension est souvent le fruit d’une étude parallèle du Ju-Jitsu Brésilien. Mais, en dehors des questions d’ordre technique, il y a aussi une façon de voir et de faire les choses propre à la CRCA. En effet, le Wing Chun de Randy Williams est un Wing Chun sans artifices. Il ne s’encombre pas d’effets de style. Ce qui s’y fait doit pouvoir s’appliquer dans un combat réel sans règles ni conventions. Randy WILLIAMS est garde du corps de métier et son système de combat est son outil de travail. Celui-ci doit être performant en cas de problèmes. C’est pour cette raison que je dis souvent que la CRCA propose un « Wing Chun de terrain ».

Mais c’est surtout la formidable richesse d’enseignements qu’elle contient qui me fascina lorsque je pris connaissance de son programme de formation. On peut réellement la comparer à un « solfège » martial. Randy WILLIAMS a su créer et structurer une véritable science universelle dans laquelle tous les principes basiques du combat rapproché issus des Arts Martiaux et établis depuis leur création sont regroupés.

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Je dis souvent à mes élèves que de bons combattants, il y en a à la pelle. Par contre, les bons pédagogues capables d’enseigner leur Art avec brio sont rares et précieux. Randy WILLIAMS, est de ceux-là. Tout comme YANG JWING MING, il fait partie de ces hommes habités par la volonté d’expliquer et de transmettre le mieux possible les trésors de savoirs cachés derrière ce que l’on considère trop souvent comme de simples compilations de techniques de combat. Il a passé plus de 40 années de sa vie à constituer, à enrichir et à mettre à jour sa méthode d’enseignement ainsi que le manuel d’instructeur qu’il lègue à ses élèves privés afin de leur laisser le meilleur outil possible pour maîtriser et transmettre à leur tour la science du Wing Chun de la CRCA.

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Après plus de 30 ans d’études de différents Arts Martiaux, sports de combat et systèmes de défense en tout genre, j’ai trouvé, dans le système de Randy WILLIAMS, une synthèse parfaite de tout ce que j’avais pu voir et faire.

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Sifu  Randy ''The seef'' WILLIAMS

Vous avez votre propre école WUDE où vous enseignez plusieurs disciplines, pouvez-vous nous en parler mieux ? Vous avez également de nombreuses valeurs, cherchez-vous à les transmettre ?

En fait, mon école WUDE n’enseigne qu’un seul et même concept martial issu de la Chine d’avant-guerres (je parle ici, bien entendu, des deux premières guerres mondiales). Ce concept, je pourrais le comparer à la cuisine traditionnelle d’une région précise du monde : malgré les différents plats que cette région pourra présenter à ceux qui souhaiteraient gouter sa cuisine typique, on y retrouvera toujours les mêmes saveurs, les mêmes ingrédients, les mêmes principes de préparation. Je présente donc trois plats différents à mes élèves, trois façons différentes d’exprimer le même concept.

Avec un peu d’expériences, celui qui étudie ces trois visions comprend qu’elles sont issues d’un concept martial unique que l’on nomme Kung Fu Wushu. C’est comme s’il y avait trois portes d’entrée différentes qui menaient dans la même pièce. C’est d’ailleurs ce que représente le logo de WUDE.

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Je propose donc en effet trois disciplines qui permettent aux étudiants de s’orienter vers un domaine d’étude spécifique :

  • Le Wing Chun  leur permet d’entrer dans un contexte martial traditionnel rigoureux. L’approche est plutôt « dure » au début de la pratique et le système s’applique au domaine de la défense personnelle ou du combat non conventionné. Le Wing Chun est spécifiquement conçu pour les distances de combat courtes.

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  • La Boxe Chinoise (Sanda / San shou) leur permet de travailler les principes et les techniques issues des Arts Martiaux Chinois dans un cadre « sportif », c’est-à-dire conventionné et sécurisé. L’approche est encore une fois assez « dure » et toutes les distances de combat sont couvertes par la discipline (longue, courte et corps à corps).

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  • Le Taijiquan  leur permet d’étudier une facette plus « interne » et plus « douce » des Arts Martiaux Chinois (« douce » signifie ici que le système ne s’appuie pas en priorité sur l’utilisation de la force musculaire et qu’on ne s’oppose pas à la force adverse). Le travail de l’épuration du geste à travers l’emploi de l’intention, de l’unité corporelle, du souffle et de la décontraction des muscles est ici au tout premier plan. Les distances de combat couvertes par le style sont les distances courtes et le corps à corps.

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Le Wing Chun et le Taijiquan sont deux styles qui se complètent totalement et, bien que différents dans leur forme, ils sont identiques dans le fond. La Boxe Chinoise est une discipline qui, dans mon école, permet aux pratiquants de ces deux styles de s’exprimer dans le cadre de combats règlementés. C’est pour cette raison que même si j’emploie parfois le terme de Sanda pour désigner la boxe Chinoise que nous pratiquons, je lui préfère le terme de San Shou, le San Shou désignant plus spécifiquement, dans les écoles martiales traditionnelles Chinoises, le stade où un étudiant peut, grâce à la maîtrise de son style, commencer à s’exprimer librement en combat.

Le terme Sanda, lui, désigne la forme de combat moderne née au sein de l’armée Chinoise dans les années 20. Il n’y a que peu de liens entre le Sanda et les Arts Martiaux traditionnels Chinois, cette discipline puise ses racines dans le Sambo Russe. La boxe Chinoise que j’enseigne est basée sur l’application des principes et techniques issus des Arts Martiaux traditionnels Chinois. Nous n’avons, de ce fait, pas les mêmes règles, il y a des différences dans le registre technique et ses applications, il n’y a pas de comptage de points, nous ne désignons ni vainqueur, ni perdant à la fin du temps d’affrontement, il n’y a donc pas de compétition, juste de la recherche personnelle.

 

Comme je l’ai dit, mon école se nomme WUDE qui signifie « vertus martiales ».

Les valeurs sont au tout premier plan de mon enseignement. J’aime cette phrase célèbre qui dit que « peu importe la longueur de son sabre si l’homme ignore la vertu ». Sans pratique de la vertu, les Arts Martiaux ne seraient que des écoles de la violence. C’est d’ailleurs ce que sont tous ces nouveaux systèmes de « combat/défenses » à la mode qui fleurissent chaque jour. J’aspire à former des êtres responsables désireux de se tenir à l’écart des querelles et des conflits. Des êtres bons, équilibrés, capables d’apporter un peu de lumière dans ce monde souvent trop sombre. La pratique de la vertu équilibre la pratique du combat. Ce principe est très bien résumé dans une autre phrase célèbre : « poings de démons, cœur de Bouddha ».

Tout être humain qui souhaite devenir « plus fort » devrait savoir que la force s’établit au sein d’un équilibre. Celui qui désir devenir un Artiste Martial digne de ce nom doit comprendre que ce qu’exigent de lui ces Arts c’est qu’il combatte ses faiblesses et les aspects sombres de sa personne. Les Arts Martiaux traditionnels tendent à purifier les hommes, pas à en faire des machines de guerre.

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En plus de votre pratique en tant qu’enseignant, avez-vous une routine chez vous ?

Enseigner les Arts Martiaux Chinois est mon métier.

Ce que je demande à mes élèves durant les cours, je le fais avec eux. Ma routine est là. J’ai aujourd’hui des cours réservés aux élèves débutants et d’autres, aux élèves plus expérimentés. Je peux donc à la fois répéter les bases qui contiennent la science profonde des Arts Martiaux et travailler les principes supérieurs. Entre les cours collectifs et les cours particuliers je totalise parfois près de 30 heures de pratique par semaine. J’y ajoute l’étude de textes Martiaux, la mise à jour de mes programmes d’entraînement, l’écriture de livres, la réalisation de supports éducatifs (comme des vidéos par exemple), la gestion administrative de l’école et de tout ce qui tourne autour … Il ne me reste plus beaucoup de temps pour ma vie familiale.

 

Ne pouvant plus, faute de temps, suivre les enseignements d’un professeur comme je le faisais autrefois, je m’applique à me parfaire dans ce que je connais au bout de plus de 36 ans de pratique et surtout à me parfaire en tant qu’enseignant. C’est un choix. Je m’épanouis pleinement dans cette voie. Créer des méthodes de transmissions adaptées aux nouvelles générations et les guider vers une pratique riche, éducative et constructive des Arts Martiaux est mon unique objectif à ce jour.

Certains pratiquants disent ou pensent que les arts martiaux traditionnels sont voués à disparaître car ils sont dépassés ? Qu’en pensez-vous ? Que pouvez-vous leur répondre ?

J’ai envie de leur dire que s’ils les considèrent comme dépassés, c’est qu’ils n’ont pas compris le sens de leur existence. Les Arts Martiaux traditionnels sont porteurs d’un message qui ne peut être réellement saisi que par des êtres évolués.

Les hommes vulgaires n’y verront toujours que des méthodes asiatiques pour apprendre à se battre avec style. Ils ne seront jamais en mesure de comprendre les traditions, les symboles, la nécessité des valeurs omniprésentes, le sens des termes utilisés … Pour eux, tout cela est un folklore dépassé sans intérêt. Ils ne voient des Arts Martiaux, que leur forme, le fond leur est inconnu. Ils ne lisent ou n’écoutent pas les discours des anciens ou alors, lorsqu’ils le font, ils ne les comprennent pas car ils ne sont pas là pour entendre des sermons sur la maîtrise de soi, sur la concentration, sur la gestion émotionnelle, sur le développement personnel. Non, ils sont là pour assouvir leur soif de violence et parce qu’ils ont besoin de se prouver quelque chose. Tant qu’ils se trouvent dans le domaine de l’exercice purement physique avec une pleine expression de la force brutale, ils s’épanouissent. Tant qu’il s’agit de « bastonner », tout correspond à leurs attentes. Mais dès qu’il faut rentrer dans le domaine de la coordination, du travail du rythme, de la distance, de la précision, de la non-opposition à la force adverse, dès qu’il faut adhérer aux mouvements de l’autre, les suivre et effectuer un travail en finesse qui ne mise pas sur l’agressivité ou la brutalité, dès qu’il faut appliquer les savoirs reçus à l’entraînement dans la vie de tous les jours, alors là, tout est extrêmement difficile et dénué d’intérêt pour eux.

 

Si on rajoute à cela des formes (katas, taolus …), de la théorie, des tenues traditionnelles, des marques de respect, une terminologie étrangère, des notions de culture et de savoir vivre et, en plus, un discours spirituel, alors là … on est « has-been ». Forcément, ça sert à quoi tout ça ? C’est ridicule et ça n’aide pas à devenir un caïd. Le caïd n’est obsédé que par le besoin de savoir quoi faire contre les autres. Il a besoin de l’illusion de pouvoir assurer sa sécurité face au monde extérieur. L’opposition est son mode de réaction. L’Artiste Martial, lui cherche à travailler sur lui pour s’adapter et vivre en harmonie avec le monde extérieur. Il ne s’oppose pas mais se sert des forces en jeu pour transformer la situation à son avantage. Cela demande trois choses que les êtres vulgaires ne peuvent pas accepter :

  • Beaucoup de travail sur une très longue période de temps.

  • De l’écoute.

  • De l’humilité, la maîtrise de l’égo.

 

Aujourd’hui, les écoles d’Arts Martiaux voient leurs effectifs chuter face à la concurrence de nouvelles disciplines à la mode : MMA, Krav Maga et tous ces « nouveaux » systèmes de combat ou de défense qui apparaissent chaque jour…

Quand je vois le contenu de ces « nouveaux systèmes », je souris doucement : ils n’inventent rien, tout ce qu’ils font c’est adapter des savoirs purement techniques véhiculés au sein des écoles Martiales traditionnelles depuis des siècles à des contextes d’agression ou de combat plus ou moins réalistes que l’on peut rencontrer aujourd’hui au cœur de notre monde malade. Ces systèmes n’ont rien en plus, au contraire car ils n’ont pas de dimension éducative, morale ou spirituelle, ils forment des êtres bestiaux incapables de maîtriser leurs émotions et prêts à user de la violence sous n’importe quel prétexte. Ils forment l’antithèse des Artistes Martiaux. Alors, par contre, on y met des beaux treillis, des shorts ou des rashguards colorés avec des têtes de serpents ou de démons, des kimonos qui ressemblent plus à des combinaisons de pilotes de formule 1 … C’est fun, ça a de la gueule, on remplace le fond par la forme et cela en se foutant des enseignements traditionnels et des mises en garde des fondateurs des Arts dont ils pillent le contenu technique en prétendant être innovateur.

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Il n’y a qu’à reprendre le terme MMA pour voir ce qu’on entend aujourd’hui par « Arts Martiaux » ! Cette discipline qui n’a pour objectif que de permettre à des hommes de se massacrer sur un ring ou dans une cage, qui ne présente rien de plus qu’un ensemble de techniques issues du Judo, de la boxe, de la lutte, du Ju Jitsu et du Kick Boxing et qui n’a aucun contenu éthique ou moral est considérée comme l’Art Martial moderne par excellence par les masses incultes. C’est triste !

Certains pratiquants, tellement ignorants quant à l’origine de leur Art en sont même à réduire leur discipline ancestrale à de la bagarre de rue (« Karaté de rue », « Wing Fight », etc.). Les anciens Maîtres doivent se retourner dans leur tombe.

Je pense que les Arts Martiaux traditionnels ont, au contraire, toute leur raison d’être dans notre société actuelle qui a plus à gagner à être enrichie d’Artistes Martiaux authentiques plutôt que de bagarreurs. On se plaint constamment de la violence et les « nouvelles » disciplines martiales prétendent y répondre avec un simple contenu technique. Répondre à la violence par la violence n’a, à ma connaissance, jamais rien résolu. Lorsque je goûte un plat et qu’il est trop salé, je n’y rajoute pas plus de sel, sauf si je suis stupide.

Ce qu’il y a de certain, c’est que les Arts Martiaux traditionnels n’ont jamais été et ne seront jamais destinés aux masses. Autrefois, les personnes désirant intégrer une école Martiale devaient prouver leur bonne éducation, leur sens moral et devaient être cultivés. C’était une condition pour pouvoir comprendre ce qu’étaient réellement les Arts Martiaux : des outils de réalisation personnelle, un moyen de comprendre le sens de la vie. Les Arts Martiaux traditionnels étaient des Arts hermétiques. Leur savoir était réservé à des initiés. Il ne fallait justement pas qu’ils tombent entre les mains de ceux qui pourraient les transformer en sciences de la violence.

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La plupart des fondateurs ne souhaitaient pas voir leurs Arts devenir des sports d’opposition entraînant des compétitions entre les hommes. Ils souhaitaient qu’ils soient pratiqués uniquement dans le but d’apporter la santé du corps et de l’esprit à leurs adeptes.

Comme je l’ai déjà dit, les Arts Martiaux traditionnels puisent leur raison d’être dans les piliers de la culture asiatique. On ne peut les comprendre réellement qu’en se plongeant dans l’étude du Confucianisme, du Bouddhisme, du Taoïsme ou encore du Shintoïsme et seuls ceux qui auront une recherche profonde et un cœur pur accèderont aux profonds savoirs dissimulés derrière les techniques de combat. Ceux-là seront toujours plus rares que les bagarreurs mais c’est pour eux que les Arts Martiaux traditionnels doivent survivre et je suis certain, vu le nombre de pratiquants de tous âges qui, aujourd’hui, aspirent à retrouver une profonde authenticité au sein de leur discipline, que les Arts Martiaux traditionnels survivront. Ce ne sont pas des disciplines éphémères à la mode. Ce sont des piliers, des repères.

J’ai la chance d’avoir un très bon ami professeur de Karate Goju Ryu et passionné d’Arts Martiaux traditionnels. Nous refaisons souvent le monde des Arts Martiaux lors de nos discussions. Nous avons toujours la même conclusion : « ne pleurons pas de voir les masses se diriger vers ces disciplines à la mode. Ce n’est pas le type de public que nous souhaitons voir dans nos rangs. Ceux qui viennent à nous ont de vraies belles recherches et c’est un bonheur de leur enseigner ».

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Ceux qui transmettent les Arts Martiaux pour l’argent vendront peut-être leur âme au diable, cèderont aux demandes des masses et deviendront alors des acteurs de la vulgarisation des Arts Martiaux mais je reste confiant. Nous vivons une époque ou les prises de conscience sur la valeur du savoir des anciens affluent. Tu es d’ailleurs, Julien, la preuve vivante que parmi les jeunes générations de pratiquants, la relève est assurée.

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En septembre 2016, vous avez sorti votre livre ''ESPRIT MARTIAL'' ? Pouvez-vous nous en parler ? Pourquoi avoir écrit ce livre ? De quoi parle-t-il ? A qui s'adresse-t-il ?

Ce livre est vraiment « passé à travers moi » lorsque j’ai ressenti la pressante nécessité de coucher sur papier une explication simple de la philosophie et de la spiritualité issues des Arts Martiaux.

Je souhaitais fournir à mes élèves, un manuel dont les principes, une fois compris, pouvaient être directement appliqués dans la vie au quotidien. Finalement, ce livre n’est pas uniquement destiné aux Artistes Martiaux.

Il s’adresse à tous ceux qui souhaitent s’enrichir d’une pensée inspirante et constructive.

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Quelle est pour vous la place des Tao dans votre pratique ?

Les Taolu (ou formes codifiées) constituent la colonne vertébrale de ma pratique. Ils synthétisent, pour ceux qui savent les lire, la profondeur d’un style. A partir de ses formes, un système et tous ses principes théoriques/techniques peut être transmis niveau par niveau. Une forme est comme un livre codifié dont le professeur détient les clés du code.

Chaque séance d’étude ou chaque entraînement est voué à rassembler les élèves autour du professeur qui leur décode les lignes du livres et leur explique ce qu’elles racontent. Beaucoup de pratiquants agitent des livres codifiés aux yeux du monde sans avoir la moindre idée que ces livres racontent quelque chose. Pour eux, la science martiale consiste à posséder beaucoup de livres.

 

Pour ma part, j’estime que la science martiale consiste à recevoir, à comprendre et à appliquer ce que ces livres racontent.

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Quels sont vos projets ?

J’en ai beaucoup (livres, films, stages, interventions en milieux publics ou privés …), mais tu l’auras compris, tous ces projets, quelque soit leur forme, tournent tous autour d’un seul axe : transmettre par tous les moyens et du mieux que je peux, la richesse des Arts Martiaux traditionnels qui me passionne infiniment. 

Un mot pour la fin ? Quelque chose à rajouter ?

Je te remercie énormément pour l’opportunité que tu m’as offerte de parler de mon parcours et de mon école. C’était un exercice difficile mais qui a ravivé beaucoup de souvenirs. Il m’a donné également l’occasion de faire un point sur le passé, le présent et l’avenir. Je ne suis pas un Maître et je rougis que mes propos puissent figurer aux côtés de ceux des sommités du monde des Arts Martiaux que tu interroges sur ton site. J’espère qu’ils trouveront un sens dans l’esprit des lecteurs qui, comme moi, suivent fidèlement tes publications.

 

Amicalement,

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LIENS:
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Site internet:  https://wude-esprit-martial.com/
Chaine YouTube: https://www.youtube.com/user/wude06
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Lien pour commander le livre: http://wude-esprit-martial.com/produit/esprit-martial/ 
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